Sr. Gisela Harth with some
MSOLA novices in 2008
|
Sr. Gisela est allemande, actuellement
elle habite dans la communauté de Köln-Klettenberg II. Elle visite les malades,
donne du soutien scolaire et participe au partage de foi.
Nathalie Sedogo :
Réfléchis sur toute ton expérience avec la congrégation SMNDA. Rappelle-toi
un moment où tu t’es sentie très vivante, très participante, spirituellement
touchée, ou le plus enthousiasmée par ton engagement. Raconte-moi cette
expérience mémorable que tu as eue avec les SMNDA.
Gisela : Il
m’était difficile de choisir une expérience, parce qu’il y en avaient
tellement. Après réflexion, j’ai balancé entre deux : Le chapitre général de
1981, où nous avons réécrit nos constitutions et la rédaction de la brochure
pour le centenaire de l’arrivée des SMNDA au Burkina. Finalement, je me suis
décidée pour ce dernier événement parce que je n’ai jamais été aussi fière
d’être SMNDA que pendant la rédaction de cette brochure.
C’était en 2010 que le comité pour la
préparation du Centenaire m’avait confié la tâche de rédiger une petite
brochure. Cette brochure devait tracer l’histoire des SMNDA au Burkina depuis
l’arrivée des premières sœurs en 1912 et présenter en même temps ce que les
Sœurs y faisaient actuellement. J’étais bien préparée pour ce travail car
j’avais travaillé dans ce pays depuis 1967 (avec quelques interruptions).
J’avais surtout travaillé pour la formation des 3 plus grandes congrégations
locales. Et comme j’avais passé 15 ans dans le conseil provincial de la
province d’Afrique Occidentale, je connaissais beaucoup de détails des autres apostolats
des Sœurs du Burkina. J’avais moi-même vécu presque la moitié de cette histoire
centenaire.
J’ai commencé modestement. Je pensais à
quelques pages seulement. Mais au fur et à mesure que j’avançais, mon intérêt
grandissais et se changeait en enthousiasme. Mes sœurs aussi m’encourageaient à
ajouter de nouveaux aspects et finalement c’est devenu une brochure de 38
pages. C’était un gros travail, d’abord de recherche, de collection de textes
et de photos, puis de rédaction et de mise en page. Comme je faisais ce travail
à côté de mes activités au noviciat et des sessions données au dehors, je
devais m’organiser pour trouver le temps. Tout était prêt en octobre 2011.
Nathalie : Qu’est-ce
qui en fait une expérience passionnante?
Gisela : Tout au long de
ce travail qui a duré à peu près une année, j’ai découvert ce que les SMNDA ont
vécu depuis 1912, comment elles ont vécu, combien elles ont été, ensemble avec
les Missionnaires d’Afrique, à l’origine de l’Eglise locale et à l’origine de
beaucoup d’institutions importantes et encore existantes. J’ai compris notre
charisme d’une façon plus concrète et vivante car j’ai pu admirer les éléments
de ce charisme dans la vie des Sœurs qui ont œuvré en Haute-Volta et au Burkina
avant et avec moi : leur dévouement et engagement total pour la Mission du
Christ; leur simplicité et je dirais même pauvreté de vie; leur grande
disponibilité et mobilité, basé sur l’obéissance; leur collaboration avec les
Missionnaires d’Afrique qui supposait souvent l’effacement ì; leur souci de
rendre les laïcs capables et de former des formateurs et multiplicateurs ; leur
engagement pour les droits et la promotion des femmes; leur souci pour les
pauvres, les handicapés et autres exclus; leur capacité d’être des
initiatrices, comme notre Fondateur l’avait conseillé; leur témoignage donné en
vivant dans des communautés interculturelles, respectant les cultures du pays
et les religions non chrétiennes. Ce qui m’a le plus touchée, c’était de voir
l’œuvre de Dieu, car c’est très visible que c’est Lui qui a agi à travers les
missionnaires, c’est Lui qui a suscité la foi des chrétiens du Burkina et
fortifié leur Eglise. Les SMNDA ont laissé vivre et agir le Christ en elles.
Une autre chose, qui a rendu cette expérience passionnante pour moi : En rédigeant
l’histoire des SMNDA au Burkina, j’ai vu ma propre histoire à l’intérieur et en
lien avec une histoire plus grande. Ce que j’ai fait au Burkina était une
participation dans la continuité et a gagné à mes yeux plus de valeur et un
autre sens.
Nathalie : Qui
était impliqué ?
Gisela : Toutes les
SMNDA, qui ont travaillé au Burkina depuis 1912, étaient impliquées, car il
s’agissait de leur histoire. Les Missionnaires d’Afrique aussi étaient
impliqués et dans un certain sens tout le peuple Burkinabé et surtout les
chrétiens. Pour la rédaction de la brochure, je n’étais pas seule. L’
archiviste de la congrégation m’a aidée en m’envoyant des documents et le
comité de préparation m’a donné des conseils pour le contenu et pour le plan.
Une Sœur française déjà retournée en France définitivement, a corrigé tous les
textes pour l’orthographe. Une Sœur de ma communauté m’a montré comment on fait
la mise en page avec l’ordinateur. Quant aux textes historiques, je pouvais me
baser sur une petite brochure sortie 25 ans avant, à l’occasion du 75ème
anniversaire de l’arrivée des SMNDA au Burkina. Les jeunes Sœurs Burkinabé et
toutes les Sœurs travaillant au Burkina à ce moment-là m’ont envoyé quelque
chose sur leur apostolat et une photo. C’était donc à la fois une expérience
personnelle et de congrégation.
Nathalie : Comment
ta tu t’es senti ?
Gisela : Au
début, je me suis sentie intéressée, mais peu à peu l’intérêt a changé en
enthousiasme. J’ai senti que ce travail me passionnait. Il y avait d’autres
sentiments : l’admiration des sœurs, la joie d’avoir contribué à la réussite de
notre engagement, la fierté d’être membre de la congrégation. Il y avait aussi
des sentiments spirituels, surtout joie et consolation, admiration de l’action
de Dieu.
Nathalie : Qu’est
que tu as fait suite à l’expérience ?
Gisela : J’avais le
grand désir, que beaucoup de chrétiens du Burkina lisent cette brochure. Non
pas parce que c’était moi qui l’avais rédigée. Mais je voulais que les
chrétiens connaissent les merveilles que Dieu avait faites pour eux et aussi
que la congrégation soit mieux connue. Ces deux buts étaient missionnaires.
J’ai donc insisté auprès du comité de
préparation qu’on imprime assez d’exemplaires et que le prix soit aussi bas que
possible. Il ne fallait pas essayer de gagner de l’argent avec cette brochure.
Ensuite, j’ai motivé Sœurs et novices de la présenter aux gens de telle façon
qu’ils avaient envie de l’acheter et de la lire. Je l’ai présentée moi-même
plusieurs fois. Je me rappelle cette Messe du samedi soir à la cathédrale de
Bobo, où nous sommes allées à trois, habillées en ancienne Sœurs Blanches et où
nous avons vendu une trentaine d’exemplaires. Quelques jours après, j’ai
rencontré un médecin qui me racontait qu’il avait acheté une brochure et qu’il
l’avait « dévorée ». J’étais heureuse de l’entendre, autant plus qu’il ne
savait pas que c’était moi qui l’avais rédigée. Une fois j’ai lu toute la
brochure à la radio « Etoile de Noël » de Bobo. J’ai envoyé la brochure à
toutes les SMNDA Burkinabé et aux anciennes du Burkina.
Nathalie : Et
maintenant, quelles sont les choses que tu apprécies profondément au sujet des
SMNDA ?
Gisela : Ce que
j’apprécie beaucoup maintenant, après être rentrée définitivement en Allemagne,
c’est que la congrégation permet aux sœurs âgées de vivre leur vocation
jusqu’au bout et qu’elle insiste sur le fait que notre Mission est une et que
la contribution d’une sœur âgée est aussi importante que celle d’une sœur en
plein apostolat. Nous sommes cinq en communauté entre 74 et 91 ans. Notre
projet communautaire est : « Nous voulons regarder nos limites comme des
chances et nous laisser guider par elles pour grandir dans notre vocation avec
la Force du Ressuscité. » À notre âge, nos limites se manifestent de plus
en plus : Nous voyons mal ou entendons mal, nos forces diminuent et nous ne
pouvons plus faire « grand-chose ». Nos limites nous dirigent vers plus de
profondeur. Nous avons plus de temps pour prier, pour nourrir notre foi, pour
soigner notre être. Nous ne sommes plus en Afrique, mais nous pouvons élargir
notre horizon et porter la misère du monde dans notre conscience et notre
prière. L’expérience de notre faiblesse nous montre que nous avons besoin des
autres et surtout de nos sœurs et qu’il est nécessaire de bâtir une communauté
unie et ouverte. Donc nous pouvons rester SMNDA et même grandir dans cette
vocation. La congrégation nous donne tout ce qui est nécessaire pour cela,
aussi bien la sécurité matérielle que l’animation, l’inspiration et
l’information indispensables
Nathalie : Quand tu
te sens le mieux en tant que SMNDA, qu’est-ce que tu apprécies en
toi-même ?
Gisela : J’ai la chance
que je peux encore faire de petites choses à l’extérieur : soutien scolaire,
visites de personnes âgées dans la paroisse, prêcher à l’occasion d’un séjour
dans ma paroisse etc. J’ai toujours le désir en moi, de partager ma foi en
Jésus Christ. Ce désir était à l’origine de ma vocation et il n’a pas diminué
au cours des années, au contraire, il a grandi. Il y a un deuxième désir, qui
est venu par mon expérience de l’Afrique. Je veux faire connaître et apprécier
l’Afrique et ses valeurs. Ce désir est devenu un réflexe, il monte tout seul,
c’est quelque chose que j’ai maintenant « dans le sang ». Parce que j’aime
l’Afrique. Je pourrais résumer en disant que ce que j’apprécie en moi-même
quand je me sens SMNDA, c’est l’Amour du Christ et l’amour de l’Afrique.
Nathalie : Quelle
est la contribution la plus importante que les SMNDA ont apportée à ta
vie ?
Gisela : Les SMNDA
m’ont permis de vivre ma vocation, c’est à dire ma consécration pour la Mission
du Christ. En vivant ma vocation ensemble avec d’autres SMNDA, ma foi s’est
fortifiée.
Nathalie : D’après
toi, quelle est la valeur fondamentale des SMNDA ?
Gisela : Pour moi, la
valeur fondamentale des SMNDA, c’est notre charisme. Nous sommes des
religieuses missionnaires, nous sommes consacrées pour la Mission de
Jésus-Christ auprès des Africains.
Nathalie : Quelles
sont les valeurs qui donnent vie à ta congrégation ?
Gisela : Elles sont
nombreuses, je mentionne seulement quelques unes :
- L’amour ardent de Jésus-Christ de chaque Sœur.
- La responsabilité personnelle de chacune.
- Nous vivons des aspects essentiels de la spiritualité ignacienne. (Tout à tous ; obéissance…)
- Nous sommes toutes et toujours invitées à quitter nos appartenances provisoires pour nous enraciner dans des peuples et cultures qui ne sont pas les nôtres. (disponibilité ; citoyenneté planétaire)
- Nous vivons en communautés interculturelles. (ouverture, unité dans les différences, témoignage …)
- Nous nous engageons au service de la justice, de la réconciliation, de la non-violence, de la sauvegarde de la Création. (zèle apostolique; miséricorde, …)
- Nous sommes initiatrices et voulons rendre les personnes capables et missionnaires à leur tour. (effacement ; mobilité …)
Nathalie : Qu’est-ce
qui, si cela n’existait pas, rendrait la congrégation totalement différente de
ce qu’elle est actuellement ?
Gisela : Je crois, que
c’est notre charisme. (La spécificité de l’Afrique en fait partie.)
Nathalie : Qu’apprécies-tu
le plus chez les SMNDA aujourd’hui ?
Gisela : J’apprécie que
les SMNDA d’aujourd’hui ont le souci de rester fidèle à leur charisme, tout en
l’adaptant au temps : Elles voient le positif de la mondialisation, se
servent des moyens de communication, relèvent les défis de notre temps (Justice
et Paix, Sauvegarde de la Création, réfugiés et migrants, esclavages nouveaux
etc. Elles tiennent compte de la nouvelle compréhension de la Mission…..).
J’apprécie en particulier que la
spécificité africaine soit maintenue et qu’elle soit inscrite dans une vision
élargie de la Mission.
J’apprécie que des jeunes femmes de
différents pays de l’Afrique nous joignent.
J’apprécie que la congrégation fasse tout
ce qu’elle peut pour une bonne formation des membres.
J’apprécie que grâce à une bonne gestion
les finances de la congrégation sont saines.
Nathalie : Que
veux-tu qu’on améliore ?
Gisela : Nous sommes
des religieuses missionnaires. Les deux éléments sont à tenir en équilibre. Il
me semble, que l’accent est parfois trop sur l’apostolat et sur les activités
au détriment de la Vie religieuse, la vie spirituelle. La congrégation (et
chaque communauté) doit veiller à ce que la Mission soit vécue avec assez de
profondeur, donc en union profonde à Jésus et à son Esprit.
La vie communautaire de beaucoup de
communautés manque aussi de profondeur et n’est pas toujours vécue au niveau de
la foi et avec assez d’amour. Chacune peux contribuer à l’amélioration.
Nos communautés en Afrique sont très
dispersées. Dans deux tiers des pays africains, où nous sommes présentes, nous
n’avons qu’une seule communauté. Cela ne facilite pas la tâche des responsables
ni l’inspiration mutuelle des sœurs. Je crois qu’il y a là quelque chose à
améliorer.
No comments:
Post a Comment