Saturday, May 26, 2018

SŒUR BIJUNDI ALPHONSINE BASHIGE, (DAR-ES-SALAAM, TANZANIE)

SŒUR BIJUNDI ALPHONSINE BASHIGE,DAR-ES-SALAAM, TANZANIE


Aline : Bijundi, nous sommes en train de préparer la célébration du 150eanniversaire de notre existence. Peux-tu regarder un peu dans le passé et me dire en tant que SMNDA, comment tu as été une femme apôtre dans les différents lieux où tu as été envoyée ?

Bijundi : Oui, je suis entrée dans la Congrégation pendant la période de la crise après Vatican II. Il y avait beaucoup de chaos dans la vie religieuse. Bon nombre de religieux (ses) ont quitté leur congrégation. Cela ne m’avait pas empêchée d’entrer ; j’ai persévéré avec une grande conviction d’aller annoncer le Christ là où il n’est pas connu. J’ai su vivre ma vocation et ma mission en m’abandonnant à la volonté et à la grâce de Dieu. Très tôt, j’ai été nommée provinciale de l’Afrique Centrale au moment des événements qui s’étaient passés au Rwanda. Ce fut pour moi un grand défi, et je me demandais si j’allais m’en sortir dans cette expérience comme jeune. Comme ce n’était pas « ma » mission, mais celle de Jésus, je lui ai fait confiance, sachant aussi que je ne suis pas seule. Malgré l’insécurité qui régnait, j’ai visité nos communautés de la PAC. Avec la grâce de Dieu sur qui je m’accrochais et avec la collaboration de mes sœurs du Conseil et les communautés, j’ai développé le sens de la responsabilité, de la communication, de la communion et de l’information aux différents niveaux. Faire confiance, avoir le sens de la vérité, de la compassion et du pardon sont importants pour moi. J’ai appris à ne pas travailler en isolée. Cela m’a aidée à être présente et à écouter l’autre sans le juger.  Quand je réalisais que j’avais offensé une sœur par mes réactions brutales ou par mes paroles, je lui demandais pardon ; cela me libérait ainsi que la sœur ; c’était une joie pour les deux.  Après cette période, j’ai été élue au Conseil général. Ce n’était plus seulement une vue de la province, mais une mission plus large pour toute la Congrégation que je devais partager, dans les échanges avec mes compagnes dans la confiance. C’était la période de la restructuration de l’Europe ; j’étais très touchée par la foi de nos sœurs, par la manière dont elles vivaient pleinement notre charisme. Oui, notre mission est vraiment UNE où que nous soyons ! Vivant tout cela, je demandais au Seigneur la grâce de rester debout. La prière et le partage des tâches m’avaient aidée, et j’avais senti une très forte collaboration et participation dans notre Conseil.

Aline : De quelle action prophétique te souviens-tu plus particulièrement ? Peux-tu l’expliquer ? 

Bijundi : Durant mon premier mandat, j’ai vécu dans un contexte de guerres et d’insécurité, de problèmes ethniques, de préjugés. J’ai compris de l’intérieur ce que signifie risquer ma vie pour donner la vie, ne pas fuir, mais rester avec les peuples traversant une période difficile. J’ai vécu concrètement le TOUT à TOUS. Le fait de ne rejeter personne, aucune ethnie ni tribu, mais accueillir chacun (e) ou tout groupe sans distinction, je pense que c’était prophétique. Un jour que je voyageais, la guerre a éclaté. Prise de peur, j’ai paniqué ; j’ai senti le poids de la responsabilité et je suis allée demander conseil à Monseigneur Munzihirwa, qui était archevêque de Bukavu. A ce moment, il me dit : « Le Christ t’appelle à porter la croix avec lui. Vas-tu refuser de le faire ? » Après quelques jours de prière, j’ai compris et j’ai prononcé mon OUI au pied de la croix ; en disant ce oui, j’ai eu la paix intérieure. Dans l’insécurité, je partais rendre visite aux réfugiés, mais c’était très risquant pour moi. J’ai compris que la vie d’un apôtre peut rayonner par l’amour pour Dieu et pour les autres. 

Aline : Qu’est ce qui te vient à l’esprit, - paroles, images, joies, défis, - quand tu penses à ton expérience de vie en communauté internationale, interculturelle ?

Bijundi : En communauté, j’ai vécu dans la collaboration et le respect envers les sœurs. Vivant un grand sens d’appartenance à la Congrégation et cet amour ardent pour le Christ et sa Mission, je me sentais en famille jusqu’aujourd’hui. J’accueillais et me laissais former par les aînées. J’ai assumé ma responsabilité à travers le partage des expériences des sœurs aînées qui vivaient avec moi en communauté. Durant les moments difficiles, j’ai senti le soutien des sœurs dans la prière et aussi avec des mots et des gestes d’encouragement. J’ai réellement vécu les paroles de Mère Marie-Salomé : « Aimez-vous et entraidez-vous et vous serez vraiment des sœurs. » Aimant et appréciant la vie communautaire internationale et interculturelle, j’ai découvert que c’est un grand témoignage prophétique, surtout dans notre contexte d’aujourd’hui. Le passage de l’Évangile qui parle de la rencontre de Jésus avec la femme samaritaine me parle beaucoup. Le défi reste de désirer nous connaître toujours davantage, car chacune est porteuse d’une tradition, d’une culture, d’une éducation. Respecter nos différences et en jouir, c’est une richesse vraiment.

Aline : Que voudrais-tu nous dire à nous, jeunes Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, encore à l’étape des vœux temporaires ?

Bijundi : Mes chères Sœurs, le plus essentiel, c’est de s’enraciner dans le Christ pour nourrir votre vocation SMNDA. Avoir un grand sens d’appartenance à notre famille SMNDA et croire en notre charisme. Aimer le Christ et sa Mission et y rester fidèles (aimer les peuples là où vous êtes envoyées). Étant SMNDA, l’obéissance et le respect mutuel sont très importants dans la vie de religieuses que vous êtes ; cela m’a aidée dans ma formation, dans ma vie religieuse et dans les responsabilités que j’ai assumées. N’ayez pas peur de risquer pour Jésus, ni peur de changement : faites confiance !


Interviewée par Sr Aline Akonkwa Busane
Dar-es-Salaam, Tanzanie

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