Monday, May 21, 2018

SŒUR HÉLÈNE MBUYAMBA MUJINGA BUKAVU PLATEAU, R. D. CONGO

SŒUR HÉLÈNE MBUYAMBA MUJINGA
    BUKAVU PLATEAU, R. D. CONGO 




En tant que SMNDA, comment as-tu été une « femme apôtre » dans les différents lieux où tu as été envoyée ?

 « En tant que SMNDA, j’ai été une « femme apôtre » dans les différents lieux où j’ai été envoyée, en étant ouverte à la mission qui m’a été confiée. J’ai commencé la mission à Bobo Dioulasso, dans la communauté de Sya. Je travaillais à l’aumônerie des lycées et collèges, n’ayant pas assez de connaissance pour savoir comment m’y prendre. » 

« Cette aumônerie était mixte, je me faisais jeune avec les jeunes. De temps en temps, ces jeunes élèves venaient à la communauté, et je les accueillais sous une paillote. J’avais avec eux des entretiens très enrichissants. Je garde de très bons souvenirs de cet apostolat. Les jeunes désiraient entamer avec moi des thèmes concernant la sexualité. Ils venaient me chercher même en dehors des heures de cours pour se faire aider. J’ai découvert que je les aidais vraiment. J’intervenais même au niveau de leur foi. Je me sentais envoyée en communauté, apportant dans la prière les visites des familles de ces jeunes et les rencontres que je faisais avec eux. »

« Après la fermeture de la communauté de Sya, j’ai été envoyée à Falaje au Mali pour l’apprentissage de la langue bambara. J’ai vécu cette mission avec beaucoup de joie et de plaisir. J’aimais aller vers les personnes, manger leur nourriture, apprendre certaines de leurs coutumes. Les enfants ont été mes meilleurs professeurs. Je trouvais ces bouts de chou très pédagogues. Ils me faisaient répéter après eux un mot ou une phrase sans se lasser jusqu’à ce qu’ils soient satisfaits. Ils me récompensaient ensuite avec un grand sourire ou des applaudissements. Après deux mois au centre de langue, l’unique femme catéchiste de Falaje a commencé à me recevoir chez elle pour de courts séjours afin de me permettre de pratiquer mon bambara. Elle s’appelait Jeanne Diarra. Diarra était un nom de clan, son jamun nyuman(son bon nom) dont elle était fière et qu’elle me donna pour m’inclure dans le clan des Diarra. Au bout de six mois, je parvenais à écrire et à parler déjà cette langue. » 

De quelle action prophétique te souviens-tu plus particulièrement ? Peux- tu l’expliquer ?

« Je me souviens plus particulièrement de mon action prophétique : L’éducation et la conscience professionnelle. Après avoir quitté le Mali, j’ai été envoyée de nouveau à Bobo dans la communauté de Ndorola. J’enseignais au collège. J’étais l’unique enseignante chrétienne et aussi l’unique femme dans le corps enseignant ; les autres étaient musulmans, y compris le préfet des études ; la seconde femme qui travaillait au secrétariat était musulmane. Ma présence leur posait question. J’ai senti que ma mission était d’ouvrir des passages aux jeunes filles, car elles se sentaient inférieures. La société leur montrait que même si la femme a étudié, elle reste inférieure. Je ne me sentais pas d’accord avec cela. J’ai pris l’objectif de passer des messages aux filles qui puissent les aider à reconnaître la contribution qu’elles peuvent apporter à la société. J’ai lutté pour la justice en faveur de ces filles lorsqu’elles étaient humiliées par leurs enseignants au moment de la délibération des notes d’examens. J’ai réussi à sauver certaines filles des injustices qui leur avaient été affligées. Je me sentais appelée à la cohérence. Je sentais une liberté intérieure pour exprimer les besoins et dire la vérité. De délibération en délibération, l’atmosphère changeait. Au travers des cours de français que je dispensais, je faisais passer beaucoup de messages disant que chacun, fille ou garçon, peut contribuer à la progression de la société. Je luttais aussi pour l’égalité. Petit à petit, mes collègues sont rentrés dans des valeurs que j’osais promouvoir. Les filles se sentaient valorisées, je voyais beaucoup de choses changer, et cela me réjouissait. Je visitais les familles pour nouer des relations et tenir un langage différent en lien avec la scolarisation des filles, car la majorité des filles du milieu n’était pas scolarisée. Le mouvement Guidisme dont j’étais responsable à la paroisse leur a fait du bien. Un chemin leur avait été ouvert. » 

Qu’est ce qui te vient à l’esprit (paroles, image, joies, défis) quand tu penses à ton expérience de vie en communautés internationales, interculturelles ?

 « L’œuvre durable sera faite par les Africains eux-mêmes, devenus apôtres à leur tour » (cardinal Lavigerie). « Notre Mission est Une où que nous soyons » (Const. N° 13). « La tâche d’un prophète est d’évoquer et nourrir une perception de la réalité différente de la perception de la culture dominante, de dynamiser les personnes et les communautés par la promesse d’un autre temps et d’une situation vers laquelle la communauté peut évoluer » (Brueggman, sur l’être prophète). 

Image : Bouquet de fleurs de diverses couleurs, formes, tiges, feuilles et odeurs. Défis : La confrontation des personnalités bien plus que des questions liées aux ethnies ou aux races. Nous avions des tempéraments divers en communauté et parfois, il fallait, non sans peine, trouver comment gérer les différences. Joies : La liberté d’expression en communauté : les temps forts de la liturgie étaient souvent les occasions privilégiées pour libérer la parole, si bien que la rancune pouvait être délogée plus ou moins rapidement. La communication non violente était également pour nous une aide précieuse. Grâce aux partages communautaires, nous approfondissions un tant soit peu connaissance mutuelle en communauté. Ce qui générait une certaine facilité pour se réconcilier en cas de conflit. » 

« Dans toutes les communautés dans lesquelles j’ai vécu, je sentais que nous portions la mission les unes des autres. Nous nous soutenions mutuellement. J’ai bien apprécié la manière dont j’ai collaboré avec notre sœur, Marie-Paule Schiltz, qui était responsable des postulantes à Bukavu. C’était ma première expérience dans le service de formation. Je la soutenais de mon mieux dans sa charge d’accompagnatrice des postulantes. Plus tard, devenue formatrice et accompagnatrice à mon tour, j’ai découvert que mon rôle est surtout de montrer Jésus aux personnes que j’accompagne, qu’elles le suivent et grandissent dans son amour, et que moi je diminue ou même, disparaisse. » « Dans mon service comme assistante générale, j’ai expérimenté comment, rester branché sur la mission confiée, en collaboration avec les autres membres du Conseil, reste une force qui fait persévérer et tenir debout dans ce service envers et contre tout. Une de mes grandes joies était de visiter les communautés et les sœurs sur le terrain et de communier à ce qu’elles vivent au quotidien, en vue de la mission. C’était au cours de ma présence dans le Conseil général que le programme Salomé a débuté. Avec les autres membres du Conseil, nous avions pris à cœur de former des animatrices dans toute la Congrégation et de transmettre ces outils censés nous aider à mieux vivre notre réalité interculturelle. Je me suis encore une fois sentie interpellée par le nécessité de travailler sur mon propre terrain, d’accueillir la bonne nouvelle de Jésus en moi, avant de l’annoncer aux autres. » 

Que voudrais-tu nous dire à nous, jeunes Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, encore à l’étape des vœux temporaires ?

« Je voudrais dire : Chacune peut-elle d’abord se poser les questions ci-après : Est-ce que je suis porteuse d’espérance ? Suis-je habitée par l’espérance ? Si oui, comment agit-elle en moi ? Lorsque je regarde les sœurs de ma communauté ou en congrégation, à quoi est ce que je reconnais les porteuses d’espérance ? Y a-t-il quelque chose qui doit être fait personnellement et en communauté pour devenir davantage porteuses d’espérance en me laissant guider par l’Esprit ? L’espérance vient débloquer en mettant en route. Elle ouvre le passage, redonne souplesse et élan là où la difficulté semble m’écraser. Il faut avoir l’espérance pour pouvoir l’apporter aux autres. Elle constitue une puissance de transformation. Elle ne résout cependant pas tous les problèmes, mais elle me permet de m’appuyer sur une promesse : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20). Il n’y a pas d’espérance sans confiance, autrement, il serait difficile de s’engager en quoi que ce soit, sans savoir ce que nous réserve le pas suivant.  Mère Marie-Salomé disait : « Lorsque le futur vous effraye, regardez le passé. » Il n’y a pas non plus d’espérance sans amour. L’espérance, dans sa dimension relationnelle, touche toute la personne jusque dans son être profond, son « Je suis ». Elle est, en effet, une manière d’être, une attitude. Une porteuse d’espérance donne le goût de vivre, s’ouvre à l’avenir, brise les barrières là où elles sont. Un porteur d’espérance est reconnu par sa qualité relationnelle. Cela commence en soi, puis s’étend en communauté. Je vous souhaite une attitude d’espérance par rapport à vous-mêmes, je vous souhaite d’identifier et d’extirper de vous ce qui vous empêche d’être vous-mêmes en vous donnant les outils adéquats. On ne peut véritablement cultiver que sur son propre terrain, sur « son propre champ ! » En vous efforçant d’agir de la sorte, vous rejoignez déjà l’immense caravane de ceux et celles qui marchent vers toutes sortes de périphéries en semant l’espérance. »

Ce partage m’a donné beaucoup de joie et de dynamisme pour ma vie missionnaire et spirituelle d’aujourd’hui et celle de demain. Je sens en moi le grand désir d’avancer dans les eaux profondes. Le mot qui surgit dans mon cœur, c’est Merci.Je me sens habitée par une reconnaissance et une action de grâce pour ces merveilles que Dieu a faites pour notre sœur Hélène. Je voudrais être « Porteuse d’espérance » et me laisser guider par l’Esprit du Christ. Ma Chère Sœur Hélène, que Dieu te bénisse et augmente les années de ta vie !


                            Interviewée par Sr Angèle Aganze Riziki
                                                               Ghardaïa, Algérie 

No comments:

Post a Comment