Monday, May 28, 2018

SŒUR MARIA WEIS (KÖLN EHRENFELD, ALLEMAGNE)

SŒUR MARIA WEIS, KÖLN EHRENFELD, ALLEMAGNE


Béatrice : En tant que SMNDA, comment as-tu été une femme apôtre dans les différents lieux où tu as été envoyée ?

Maria : Moi-même, j’ai été saisie par l’Amour de Dieu et appelée par lui à la vie religieuse missionnaire en Afrique pour être témoin de son Amour et pour continuer avec Jésus sa Mission sous la protection de Notre-Dame d’Afrique. J’ai toujours essayé de rayonner son Amour, sa bonté, sa miséricorde par toute ma vie, par mon être et mes actions et de répondre à sa volonté par l’intermédiaire de la Congrégation.

Le jour de mes premiers vœux en 1965, j’ai reçu la nomination de « rester en Allemagne, de prendre la responsabilité de l’économat et de la cuisine, à Trier, pour les 80 – 100 personnes qui étaient là. » Pendant ce temps, souvent je voyais partir des sœurs en Afrique. Je me demandais quand ce jour arriverait pour moi. 

C’est en 1971 que j’ai pu partir au Burkina Faso. Quelle joie ! En y arrivant, j’ai essayé d’être ouverte au peuple et à l’Église qui m’ont accueillie. J’ai voulu connaître leur vie, leur culture, leurs coutumes, leurs orientations, leur langue (J’ai appris le dioula, une parmi les 60 langues parlées dans le pays).

Au cours des années, j’ai eu plusieurs engagements - apostolats – responsabilités.

  • Au Burkina Faso et au Mali,j’ai été responsable d’un Centre féminin.
  • Au Burkina Faso, à Bobo-Dioulasso / Ouezzinville, tout était à commencer. J’ai d’abord contacté les membres de la communauté chrétienne en vue de former un comité de direction, de responsables, pour pouvoir ensuite ouvrir et diriger un Centre féminin pour les jeunes filles qui ne pouvaient pas continuer leurs études pour plusieurs raisons. 
  • Notre communauté était responsable de la pastorale des six nouveaux quartiers dépondant de notre paroisse. L’évêque du lieu m’a nommée pour coordonner l’ensemble. 
  • Au Mali,j’ai travaillé également pour la promotion de la femme dans les différents villages appartenant à la paroisse, en collaboration avec Sr Gratienne Ndizeye.
  • Pendant deux ans, j’ai fait partie de la communauté du noviciat à Bobo-Dioulasso.
  • Plus tard, on m’a confié le Centre Delwende de Ouagadougou.


Partout où j’ai été, j’ai travaillé et réfléchi avec les autochtones. « L’œuvre durable doit être accomplie par les Africains eux-mêmes, devenus chrétiens et apôtres » (cardinal Lavigerie). Cela est dit également dans les Constitutions (n° 17) et les Orientations de la Congrégation, ayant en vue la dignité et la promotion de la femme. 

J’ai été toujours en contact avec l’Église locale (l’évêque - le curé) respectant les orientations du diocèse, avec le ministère Social, le ministère de la Promotion de la femme, la commission Justice et Paix. J’ai visité beaucoup de familles : chrétiennes, non chrétiennes, musulmanes, animistes, malades, lépreux, riches et pauvres ; et j’ai participé aux événements de leur vie.

Je me sentais attirée vers les personnes sans voix, surtout envers les femmes pour les aider à trouver ou à retrouver leur dignité et la liberté. Les femmes chrétiennes et les catéchumènes, je les ai encouragées et aidées à se former et à s’engager dans la communauté chrétienne de base, la chorale, la liturgie ; par exemple, pour être lectrices, catéchistes pour enfants et adultes, pour participer à des groupes de prière. Je les ai accompagnées dans leur vie familiale. Aujourd’hui encore, elles m’en remercient. 

La prière personnelle et communautaire m’a beaucoup soutenue dans ma vie missionnaire. Elle a été très importante pour me permettre de répondre à la Mission, qui m’a été confiée par Dieu et pour rester ouverte et fidèle à son appel. « La prière est au cœur de notre vie » (Const. 45).

La vie communautaire aussi est très importante et est un grand soutien. Nous sommes rassemblées autour de Jésus, qui nous envoie ensemble accomplir sa Mission et être signe de sa Bonne Nouvelle. Tout ce que je fais « dehors », je le fais toujours au nom de la communauté. Les gens de l’extérieur le voient ainsi ; c’est mon expérience, et les échos et les témoignages entendus le confirment.

En 2013, après 42 ans d’Afrique, je suis revenue en Allemagne, bien enrichie. Mon cœur et mes pensées sont encore souvent en Afrique, mais je peux chanter chaque jour le Magnificat pour remercier le Seigneur de toutes les merveilles reçues, vues, vécues en Afrique.

« Saint est son Nom. »

Pendant les années de mon absence, le pays natal a bien changé. Il me fallait bien un temps de réadaptation, une grande ouverture pour accueillir et comprendre la nouvelle situation. 

Actuellement, je me trouve dans un home de 95 personnes dont 4 SMNDA. C’est le grand âge avec ses diminutions, ses pauvretés, ses handicaps physiques et psychiques, son insécurité, ses questions. C’est le contexte de ma vie apostolique, notre périphérie.  Nous partageons la vie avec tous ces habitants, jour après jour, avec attention et amour, en étant sensibles au respect de la dignité de chacun et chacune en toute confiance. Je visite les personnes de la maison qui se trouvent très seules ou qui n’ont que très peu de visites de leur famille. Nous sommes missionnaires toujours et partout.

Je participe aux différentes rencontres organisées dans la maison. Par exemple : Junior rencontre Senior. C’est un groupe d’écoliers qui vient chaque mercredi. Je fais partie aussi du groupe Mambo danses des générations, - entre personnes âgées et jeunes, avec danses et chorégraphies. Ces danses sont aussi présentées à l’extérieur. Les habitants de la maison et le personnel viennent de tous les continents. Avec une femme africaine, je peux communiquer en français et en bambara. Le responsable de la maison m’a confié la chapelle et la sacristie dès mon arrivée ici. 

Je me trouve dans l’étape de vie où les forces diminuent et des imprévus arrivent. L’apostolat de la prière, la rencontre avec le Seigneur ont ici une grande place. La prière pour le monde entier, pour l’Église, pour la paix, pour les missionnaires, pour les jeunes…

Le jour de mon Jubilé d’argent, la communauté chrétienne m’a offert un tableau portant l’inscription : « Que Dieu te garde toujours souriante ! » Oui, je demande la grâce de ne pas devenir triste, aigrie, mais de me garder joyeuse, pacifiée et priante, malgré la diminution des forces, malgré les diverses épreuves. C’est le temps de se préparer plus profondément à la grande rencontre, au face à face avec Jésus, « le Bien-aimé ».

Béatrice : De quelle action prophétique te souviens-tu plus particulièrement ? Peux-tu l’expliquer ?

Maria : En 2006, presqu’à la fin de ma vie missionnaire en Afrique, la Congrégation m’a confié le Centre Delwendeavec, en ce temps-là, 400 femmes appelées « Sorcières – mangeuses d’âmes ».

En réalité, ce sont des femmes seules, sans défense, malades, infirmes… à la charge de leur famille. Certaines n’ont pas d’enfants, d’autres sont chassées de leur village, de leur famille. Elles arrivent en ville en espérant pouvoir vivre de la mendicité. En apprenant l’existence du Centre, elles viennent demander l’hospitalité. Elles arrivent épuisées, sans sourire. 

Toutes ces femmes sont du pays mossi et parlent le mooré, une langue que je ne connaissais pas. J’y ai rencontré quand même une femme, une seule, qui parlait un peu le dioula, la langue que je comprends. A plusieurs reprises, j’ai essayé d’apprendre encore le mooré, mais à l’âge de mes 70 ans, ce ne m’était plus possible. J’ai communiqué par un intermédiaire, et surtout par mon être, par un sourire, mes réactions bienveillantes, pour leur montrer et exprimer que je les aime, que je veux leur bien et que je partage leurs souffrances. 

Vraiment, elles souffrent beaucoup d’être loin de leurs enfants, de leurs familles. Mais quelle joie de voir revenir peu à peu un sourire comme réponse à tant d’efforts ! Petit à petit, elles commencent à parler, elles s’engagent avec les autres femmes, s’engagent dans les activités du Centre pour le bien de toutes. Leur grand désir est de retourner en famille. Leur souhait est que leurs filles, leurs petites-filles ne subissent jamais le même sort qu’elles. 

Déjà bien avant moi, nos sœurs SMNDA ont travaillé à la sensibilisation de la population et des autorités publiques afin que cette coutume disparaisse. Nous voulons éviter tant de souffrances à des personnes dont le seul tort est de ne pas savoir ou de ne pas pouvoir se défendre. Nous voulons que ces femmes, elles aussi puissent vivre en toute paix dans leur famille respective. 

J’ai continué dans cette ligne, j’ai saisi toutes les occasions et les moyens pour sensibiliser beaucoup de personnes, de groupes, associations, commissions, ministères, etc. Toujours je me sentais bien comprise et soutenue par le Cardinal et l’évêque auxiliaire, par leurs visites, leur intérêt, leurs conseils, les célébrations de la messe au Centre avec les femmes.

Avec l’aide de la commission « Justice et Paix » et la Conférence Épiscopale, nous avons pu sensibiliser la population à travers la télévision, la radio, les journaux, des ateliers, des conférences etc. 

Le 6 mars 2010 à Ouagadougou, « Journée internationale de la femme », une marche contre l’exclusion sociale et les violences faites aux femmes a été organisée. Les femmes du Centre Delwende y ont participé ainsi que des organisations de la Société civile et des droits de l’homme, des établissements scolaires et des personnes de bonne volonté. Comme parrain était présent Sa Majesté le Mogho Naaba, Empereur des Mossis, et comme marraine l’épouse du chef de l’État. Cette cérémonie s’est terminée à la Place de la Nation avec un message du Mogho Naaba, qui demanda de mettre fin à toutes les formes de violence et d’exclusion sociale, particulièrement aux femmes, et de les intégrer dans leurs familles. 

Petit à petit, les familles viennent reprendre leur maman pour la ramener dans la famille. De l’autre côté, il y a toujours des femmes, qui arrivent encore. Malgré tout, le nombre a diminué : de 400 à 250 femmes. La sensibilisation continue toujours et doit continuer encore.

Les habitants du quartier et de la paroisse où se trouve le Centre Delwende (« Confie-toi au Seigneur ») sont bienveillants envers ces femmes. Le jour de l’inondation du Centre en 2009, (le Centre se trouve tout près du barrage), ils sont venus sauver toutes les femmes et les ont amenées à l’école et dans les salles de la paroisse et du quartier. Les femmes y sont restées pendant 5 semaines. Et après cela, beaucoup de personnes et de groupes nous ont aidés pour le nettoyage des lieux, d’autres ont fait des dons – céréales, médicaments, vêtements – car toutes les réserves étaient abîmées. De plus en plus de Burkinabés viennent visiter les mamans, leur offrir des dons, leur montrer leur intérêt, leur témoigner de la sympathie et leur consacrer du temps. Et nous continuons d’être porteuses d’espérance. 

 Notre présence auprès des femmes en détresse au Centre Delwende va bien dans la ligne de notre charisme et des orientations du pape François nous encourageant d’aller vers les périphéries. 

« En toutes situations, s’exprime notre solidarité avec les femmes africaines… »  (Const. 19)

Béatrice : Qu’est-ce que te vient à l’esprit (parole, image, joies, défis) quand tu penses à ton expérience de vie en communauté interculturelle ? 

Maria : C’est une grande richesse ! Comme une mosaïque : chaque pièce est précieuse, nécessaire et enrichissante. La vie en communauté se fait chaque jour. « L’esprit de famille, qui doit régir une communauté se résume en ces deux mots : s’aimer et s’entraider » (Mère Marie-Salomé).
« C’est l’amour du Christ et l’amour de l’Afrique qui nous lient dans une même vocation » (Const. 56).

Béatrice : Que voudrais-tu nous dire à nous, jeunes Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, encore à l'étape des vœux temporaires ?

Maria : Soyez des femmes apôtres, consacrées et enracinées en Christ, saisies par le désir de Dieu pour le monde africain… » (Notre raison d’être).

Je vous souhaite beaucoup de courage, de joie, de confiance en Dieu et en Notre-Dame d’Afrique.

Laissez-vous guider par l’Esprit Saint. Priez pour nous, vos sœurs aînées. Mes prières vous accompagnent.


            Interviewée par Sr Béatrice Badini Wèndpouiré
Nairobi, Kenya 

Saturday, May 26, 2018

SŒUR BIJUNDI ALPHONSINE BASHIGE, (DAR-ES-SALAAM, TANZANIE)

SŒUR BIJUNDI ALPHONSINE BASHIGE,DAR-ES-SALAAM, TANZANIE


Aline : Bijundi, nous sommes en train de préparer la célébration du 150eanniversaire de notre existence. Peux-tu regarder un peu dans le passé et me dire en tant que SMNDA, comment tu as été une femme apôtre dans les différents lieux où tu as été envoyée ?

Bijundi : Oui, je suis entrée dans la Congrégation pendant la période de la crise après Vatican II. Il y avait beaucoup de chaos dans la vie religieuse. Bon nombre de religieux (ses) ont quitté leur congrégation. Cela ne m’avait pas empêchée d’entrer ; j’ai persévéré avec une grande conviction d’aller annoncer le Christ là où il n’est pas connu. J’ai su vivre ma vocation et ma mission en m’abandonnant à la volonté et à la grâce de Dieu. Très tôt, j’ai été nommée provinciale de l’Afrique Centrale au moment des événements qui s’étaient passés au Rwanda. Ce fut pour moi un grand défi, et je me demandais si j’allais m’en sortir dans cette expérience comme jeune. Comme ce n’était pas « ma » mission, mais celle de Jésus, je lui ai fait confiance, sachant aussi que je ne suis pas seule. Malgré l’insécurité qui régnait, j’ai visité nos communautés de la PAC. Avec la grâce de Dieu sur qui je m’accrochais et avec la collaboration de mes sœurs du Conseil et les communautés, j’ai développé le sens de la responsabilité, de la communication, de la communion et de l’information aux différents niveaux. Faire confiance, avoir le sens de la vérité, de la compassion et du pardon sont importants pour moi. J’ai appris à ne pas travailler en isolée. Cela m’a aidée à être présente et à écouter l’autre sans le juger.  Quand je réalisais que j’avais offensé une sœur par mes réactions brutales ou par mes paroles, je lui demandais pardon ; cela me libérait ainsi que la sœur ; c’était une joie pour les deux.  Après cette période, j’ai été élue au Conseil général. Ce n’était plus seulement une vue de la province, mais une mission plus large pour toute la Congrégation que je devais partager, dans les échanges avec mes compagnes dans la confiance. C’était la période de la restructuration de l’Europe ; j’étais très touchée par la foi de nos sœurs, par la manière dont elles vivaient pleinement notre charisme. Oui, notre mission est vraiment UNE où que nous soyons ! Vivant tout cela, je demandais au Seigneur la grâce de rester debout. La prière et le partage des tâches m’avaient aidée, et j’avais senti une très forte collaboration et participation dans notre Conseil.

Aline : De quelle action prophétique te souviens-tu plus particulièrement ? Peux-tu l’expliquer ? 

Bijundi : Durant mon premier mandat, j’ai vécu dans un contexte de guerres et d’insécurité, de problèmes ethniques, de préjugés. J’ai compris de l’intérieur ce que signifie risquer ma vie pour donner la vie, ne pas fuir, mais rester avec les peuples traversant une période difficile. J’ai vécu concrètement le TOUT à TOUS. Le fait de ne rejeter personne, aucune ethnie ni tribu, mais accueillir chacun (e) ou tout groupe sans distinction, je pense que c’était prophétique. Un jour que je voyageais, la guerre a éclaté. Prise de peur, j’ai paniqué ; j’ai senti le poids de la responsabilité et je suis allée demander conseil à Monseigneur Munzihirwa, qui était archevêque de Bukavu. A ce moment, il me dit : « Le Christ t’appelle à porter la croix avec lui. Vas-tu refuser de le faire ? » Après quelques jours de prière, j’ai compris et j’ai prononcé mon OUI au pied de la croix ; en disant ce oui, j’ai eu la paix intérieure. Dans l’insécurité, je partais rendre visite aux réfugiés, mais c’était très risquant pour moi. J’ai compris que la vie d’un apôtre peut rayonner par l’amour pour Dieu et pour les autres. 

Aline : Qu’est ce qui te vient à l’esprit, - paroles, images, joies, défis, - quand tu penses à ton expérience de vie en communauté internationale, interculturelle ?

Bijundi : En communauté, j’ai vécu dans la collaboration et le respect envers les sœurs. Vivant un grand sens d’appartenance à la Congrégation et cet amour ardent pour le Christ et sa Mission, je me sentais en famille jusqu’aujourd’hui. J’accueillais et me laissais former par les aînées. J’ai assumé ma responsabilité à travers le partage des expériences des sœurs aînées qui vivaient avec moi en communauté. Durant les moments difficiles, j’ai senti le soutien des sœurs dans la prière et aussi avec des mots et des gestes d’encouragement. J’ai réellement vécu les paroles de Mère Marie-Salomé : « Aimez-vous et entraidez-vous et vous serez vraiment des sœurs. » Aimant et appréciant la vie communautaire internationale et interculturelle, j’ai découvert que c’est un grand témoignage prophétique, surtout dans notre contexte d’aujourd’hui. Le passage de l’Évangile qui parle de la rencontre de Jésus avec la femme samaritaine me parle beaucoup. Le défi reste de désirer nous connaître toujours davantage, car chacune est porteuse d’une tradition, d’une culture, d’une éducation. Respecter nos différences et en jouir, c’est une richesse vraiment.

Aline : Que voudrais-tu nous dire à nous, jeunes Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, encore à l’étape des vœux temporaires ?

Bijundi : Mes chères Sœurs, le plus essentiel, c’est de s’enraciner dans le Christ pour nourrir votre vocation SMNDA. Avoir un grand sens d’appartenance à notre famille SMNDA et croire en notre charisme. Aimer le Christ et sa Mission et y rester fidèles (aimer les peuples là où vous êtes envoyées). Étant SMNDA, l’obéissance et le respect mutuel sont très importants dans la vie de religieuses que vous êtes ; cela m’a aidée dans ma formation, dans ma vie religieuse et dans les responsabilités que j’ai assumées. N’ayez pas peur de risquer pour Jésus, ni peur de changement : faites confiance !


Interviewée par Sr Aline Akonkwa Busane
Dar-es-Salaam, Tanzanie

Monday, May 21, 2018

SR. FRANCINE MAAS (ARUSHA, TANZANIA)

SR. FRANCINE MAAS
ARUSHA, TANZANIA


As MSOLA, you have been a "woman apostle" in different places and countries: Tanzania, Canada, and Rome, Italy.

In my very first mission, back in 1974, after studying Swahili, I was a nurse in the government hospital of Mpanda.  My special responsibility was caring for the sick children.  I liked that so very much and it was such a joy for me, and their parents, when they went home from the hospital cured.  Some of the children had high fevers from malaria or they were very sick with measles. Some had broken a leg and others had been accidently burned by hot water or uji (hot porridge).  Usually, I worked during the daytime, but I also took my turn for night duty.  In addition to this, I was also the school nurse, and  taught the health sciences to the girls of our domestic science school, who were 15 to 20 years old.  

My next mission appointment was in Ottawa, Canada where, after my juniorate, I was the assistant to our novice mistress for one group of five novices.

Then in 1980, after having a nice long vacation with my parents, I went to live in a village called Kitwe K’yenkura, in north-western Tanzania, where together with two other sisters I did pastoral work.  We served the five-outstation communities at the southern end of the parish.  Through the process of home visiting, we got to know the people and to help/encourage them in the living of their Christianity. We did not only visit the Christians, but all of the people who were open to welcome us.  One day, at the end of a visit to a Moslem family the man told me: “Tonight God is going to sleep with us since you have visited our home”.
This was the era of the beginning of Small Christian Communities, so assisting the people in the learning to animate the prayer meetings and the Sunday prayer service without a priest, was an essential part of our work.  What I liked the most was going, with the Eucharist, to the villages on Sunday mornings.  The catechist would lead the service and then I would distribute Holy Communion.  After the service, there was usually a meeting of the Christians followed by a family meal for all.

From there I went to live in Kipalapala, 1984 – 1990 and served as a provincial assistant, thus the work was leadership and administration.  

My next mission was in Ussongo, where I was the matron of our Maternity and Bedded Dispensary of 45 beds.  The specific mandate I was given was to prepare the Sisters, Daughters of Mary of Tabora, to take over the health unit.  I enjoyed very much working side-by side with them. During this time, I had the joy of helping a few women give birth to their babies.  These were beautiful experiences.  
From there, in mid-1992, I went to Mwanza, the second largest city in Tanzania.  My apostolic work there was as a member of the team of the Archdiocese assisting people and orphans affected by HIV/AIDS.  In the beginning, I was involved in counseling and home care, but then got busy with writing requests for financial assistance, as we needed funds to support our work.

My next appointment, in 1996 was to the then capital of Tanzania – Dar-es-Salaam where I had two services.  On 3 days of the week, I was the financial manager of PASADA the organization of the Archdiocese of Dar-es-Salaam to assist people and orphans affected by HIV/AIDS.  Three other days, I did various types of administration work and shopping for all of our communities in Tanzania.

In September 2003, I left Dar to go to Rome to become our General Treasurer.  Since we are an international congregation, we have two languages: English and French. In order to be able to do my work in Rome, I had to first learn French.  As for the financial aspect of the work, I learned that “on the job” as the only formal preparation I had, in the line of finances, was a 3-week session to prepare provincial treasurers for their work.  I was in Rome for 12 years, collaborating with our treasurers in all of the various countries and provinces.    It was in our charism of “being initiators” that I found my place in this responsibility of general treasurer.

In June of 2016, another sister took on this responsibility and I went home to the USA for a good rest and time of spiritual renewal. In July 2017, after the General Chapter, I was happy to return to Tanzania.  This time I am in Arusha as part of our team of four sisters giving formation to our eight postulants who come from the neighboring countries of: Rwanda, Uganda and Kenya.  My main responsibilities are:

Teaching - knitting, crochet, embroidery, cross-stitch, different types of creativity, cooking, baking, and some sewing;
Laundry, caring for the linens of the community and many practical things around the house.  As our aim is formation, most of this is done together with the postulants so that they learn;
I am also the nurse of the community.  Happily, so far there has not been anything serious.

Therefore, you see that being a missionary, calls for one to do many different things… according to what is needed.

Was there any prophetic action you particularly remember? Could you explain it?

I cannot think of any.

When you think of your experience of living in international and intercultural communities, what comes to you?  Some words, an image, joys, challenges...

The image that comes to me is a beautiful bouquet of flowers. Why did I choose a bouquet that is laying down and spread out?  This image represents our call to go out, not remaining a bouquet on a table to be admired, but we are called to go out together, witnessing to the unity that the love of Christ brings.

JOYSBeing open to and experiencing all of the various elements of the different cultures is very enriching.  Learning how others celebrate their national feasts, with songs and dances, certain types of food and typical ways of being together is very interesting. It is a joy when one is able to understand and speak the two languages of the congregation.  To be able to speak with each of my sisters and to no longer have to listen to a translation at a meeting is terrific.

CHALLENGESComing from different cultures, we have different ways of understanding matters and of expressing ourselves.   Even though we may be speaking the same language, the meaning that each one puts behind the words may be very different.  This can easily cause clashes amongst us, simply due to a lack of understanding.  It is a challenge to clarify if I have understood what the other has communicate, even if the words seem to be very clear to me.   Another challenge is to react calmly when one presents a typical food of one’s country and it is looked down upon by another and not even tasted (and this is not due to health reasons).  This can also happen in the ways that we may react to the way that someone prepares a feast, for example Christmas.  At almost 50 years of profession, I am still discovering how ways of doing can be different from what I ever knew: praying the prayer of the day….

We are the younger MSOLA generation, still in the stage of temporary vows, what would you like to say to us?

Hold on to the values that we have inherited from Cardinal Lavigerie and Mother Salome.

Read the publications of the congregation. Therein, you gain not only knowledge but it will help you to deepen your belonging to the body….we are one.

No matter how difficult it may be, learn the two languages of the congregation.  In this way, you will be able to communicate with all of your sisters and attend/participate in meetings with ease. 

Carry-over what you learn in one experience to another…this will make things easier for you.

Be slow to judge the other who is different from you in personality, experience, culture, etc.

Learn to organize.  This takes time, but facilitates matters for yourself, your sisters, and the people you serve.

Take on the positive aspects of the other cultures and pass on your own and you will be enriched.


Interviewed by Sr. Priscille Nisubire
Dar-es-Salaam, Tanzania

SŒUR HÉLÈNE MBUYAMBA MUJINGA BUKAVU PLATEAU, R. D. CONGO

SŒUR HÉLÈNE MBUYAMBA MUJINGA
    BUKAVU PLATEAU, R. D. CONGO 




En tant que SMNDA, comment as-tu été une « femme apôtre » dans les différents lieux où tu as été envoyée ?

 « En tant que SMNDA, j’ai été une « femme apôtre » dans les différents lieux où j’ai été envoyée, en étant ouverte à la mission qui m’a été confiée. J’ai commencé la mission à Bobo Dioulasso, dans la communauté de Sya. Je travaillais à l’aumônerie des lycées et collèges, n’ayant pas assez de connaissance pour savoir comment m’y prendre. » 

« Cette aumônerie était mixte, je me faisais jeune avec les jeunes. De temps en temps, ces jeunes élèves venaient à la communauté, et je les accueillais sous une paillote. J’avais avec eux des entretiens très enrichissants. Je garde de très bons souvenirs de cet apostolat. Les jeunes désiraient entamer avec moi des thèmes concernant la sexualité. Ils venaient me chercher même en dehors des heures de cours pour se faire aider. J’ai découvert que je les aidais vraiment. J’intervenais même au niveau de leur foi. Je me sentais envoyée en communauté, apportant dans la prière les visites des familles de ces jeunes et les rencontres que je faisais avec eux. »

« Après la fermeture de la communauté de Sya, j’ai été envoyée à Falaje au Mali pour l’apprentissage de la langue bambara. J’ai vécu cette mission avec beaucoup de joie et de plaisir. J’aimais aller vers les personnes, manger leur nourriture, apprendre certaines de leurs coutumes. Les enfants ont été mes meilleurs professeurs. Je trouvais ces bouts de chou très pédagogues. Ils me faisaient répéter après eux un mot ou une phrase sans se lasser jusqu’à ce qu’ils soient satisfaits. Ils me récompensaient ensuite avec un grand sourire ou des applaudissements. Après deux mois au centre de langue, l’unique femme catéchiste de Falaje a commencé à me recevoir chez elle pour de courts séjours afin de me permettre de pratiquer mon bambara. Elle s’appelait Jeanne Diarra. Diarra était un nom de clan, son jamun nyuman(son bon nom) dont elle était fière et qu’elle me donna pour m’inclure dans le clan des Diarra. Au bout de six mois, je parvenais à écrire et à parler déjà cette langue. » 

De quelle action prophétique te souviens-tu plus particulièrement ? Peux- tu l’expliquer ?

« Je me souviens plus particulièrement de mon action prophétique : L’éducation et la conscience professionnelle. Après avoir quitté le Mali, j’ai été envoyée de nouveau à Bobo dans la communauté de Ndorola. J’enseignais au collège. J’étais l’unique enseignante chrétienne et aussi l’unique femme dans le corps enseignant ; les autres étaient musulmans, y compris le préfet des études ; la seconde femme qui travaillait au secrétariat était musulmane. Ma présence leur posait question. J’ai senti que ma mission était d’ouvrir des passages aux jeunes filles, car elles se sentaient inférieures. La société leur montrait que même si la femme a étudié, elle reste inférieure. Je ne me sentais pas d’accord avec cela. J’ai pris l’objectif de passer des messages aux filles qui puissent les aider à reconnaître la contribution qu’elles peuvent apporter à la société. J’ai lutté pour la justice en faveur de ces filles lorsqu’elles étaient humiliées par leurs enseignants au moment de la délibération des notes d’examens. J’ai réussi à sauver certaines filles des injustices qui leur avaient été affligées. Je me sentais appelée à la cohérence. Je sentais une liberté intérieure pour exprimer les besoins et dire la vérité. De délibération en délibération, l’atmosphère changeait. Au travers des cours de français que je dispensais, je faisais passer beaucoup de messages disant que chacun, fille ou garçon, peut contribuer à la progression de la société. Je luttais aussi pour l’égalité. Petit à petit, mes collègues sont rentrés dans des valeurs que j’osais promouvoir. Les filles se sentaient valorisées, je voyais beaucoup de choses changer, et cela me réjouissait. Je visitais les familles pour nouer des relations et tenir un langage différent en lien avec la scolarisation des filles, car la majorité des filles du milieu n’était pas scolarisée. Le mouvement Guidisme dont j’étais responsable à la paroisse leur a fait du bien. Un chemin leur avait été ouvert. » 

Qu’est ce qui te vient à l’esprit (paroles, image, joies, défis) quand tu penses à ton expérience de vie en communautés internationales, interculturelles ?

 « L’œuvre durable sera faite par les Africains eux-mêmes, devenus apôtres à leur tour » (cardinal Lavigerie). « Notre Mission est Une où que nous soyons » (Const. N° 13). « La tâche d’un prophète est d’évoquer et nourrir une perception de la réalité différente de la perception de la culture dominante, de dynamiser les personnes et les communautés par la promesse d’un autre temps et d’une situation vers laquelle la communauté peut évoluer » (Brueggman, sur l’être prophète). 

Image : Bouquet de fleurs de diverses couleurs, formes, tiges, feuilles et odeurs. Défis : La confrontation des personnalités bien plus que des questions liées aux ethnies ou aux races. Nous avions des tempéraments divers en communauté et parfois, il fallait, non sans peine, trouver comment gérer les différences. Joies : La liberté d’expression en communauté : les temps forts de la liturgie étaient souvent les occasions privilégiées pour libérer la parole, si bien que la rancune pouvait être délogée plus ou moins rapidement. La communication non violente était également pour nous une aide précieuse. Grâce aux partages communautaires, nous approfondissions un tant soit peu connaissance mutuelle en communauté. Ce qui générait une certaine facilité pour se réconcilier en cas de conflit. » 

« Dans toutes les communautés dans lesquelles j’ai vécu, je sentais que nous portions la mission les unes des autres. Nous nous soutenions mutuellement. J’ai bien apprécié la manière dont j’ai collaboré avec notre sœur, Marie-Paule Schiltz, qui était responsable des postulantes à Bukavu. C’était ma première expérience dans le service de formation. Je la soutenais de mon mieux dans sa charge d’accompagnatrice des postulantes. Plus tard, devenue formatrice et accompagnatrice à mon tour, j’ai découvert que mon rôle est surtout de montrer Jésus aux personnes que j’accompagne, qu’elles le suivent et grandissent dans son amour, et que moi je diminue ou même, disparaisse. » « Dans mon service comme assistante générale, j’ai expérimenté comment, rester branché sur la mission confiée, en collaboration avec les autres membres du Conseil, reste une force qui fait persévérer et tenir debout dans ce service envers et contre tout. Une de mes grandes joies était de visiter les communautés et les sœurs sur le terrain et de communier à ce qu’elles vivent au quotidien, en vue de la mission. C’était au cours de ma présence dans le Conseil général que le programme Salomé a débuté. Avec les autres membres du Conseil, nous avions pris à cœur de former des animatrices dans toute la Congrégation et de transmettre ces outils censés nous aider à mieux vivre notre réalité interculturelle. Je me suis encore une fois sentie interpellée par le nécessité de travailler sur mon propre terrain, d’accueillir la bonne nouvelle de Jésus en moi, avant de l’annoncer aux autres. » 

Que voudrais-tu nous dire à nous, jeunes Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, encore à l’étape des vœux temporaires ?

« Je voudrais dire : Chacune peut-elle d’abord se poser les questions ci-après : Est-ce que je suis porteuse d’espérance ? Suis-je habitée par l’espérance ? Si oui, comment agit-elle en moi ? Lorsque je regarde les sœurs de ma communauté ou en congrégation, à quoi est ce que je reconnais les porteuses d’espérance ? Y a-t-il quelque chose qui doit être fait personnellement et en communauté pour devenir davantage porteuses d’espérance en me laissant guider par l’Esprit ? L’espérance vient débloquer en mettant en route. Elle ouvre le passage, redonne souplesse et élan là où la difficulté semble m’écraser. Il faut avoir l’espérance pour pouvoir l’apporter aux autres. Elle constitue une puissance de transformation. Elle ne résout cependant pas tous les problèmes, mais elle me permet de m’appuyer sur une promesse : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20). Il n’y a pas d’espérance sans confiance, autrement, il serait difficile de s’engager en quoi que ce soit, sans savoir ce que nous réserve le pas suivant.  Mère Marie-Salomé disait : « Lorsque le futur vous effraye, regardez le passé. » Il n’y a pas non plus d’espérance sans amour. L’espérance, dans sa dimension relationnelle, touche toute la personne jusque dans son être profond, son « Je suis ». Elle est, en effet, une manière d’être, une attitude. Une porteuse d’espérance donne le goût de vivre, s’ouvre à l’avenir, brise les barrières là où elles sont. Un porteur d’espérance est reconnu par sa qualité relationnelle. Cela commence en soi, puis s’étend en communauté. Je vous souhaite une attitude d’espérance par rapport à vous-mêmes, je vous souhaite d’identifier et d’extirper de vous ce qui vous empêche d’être vous-mêmes en vous donnant les outils adéquats. On ne peut véritablement cultiver que sur son propre terrain, sur « son propre champ ! » En vous efforçant d’agir de la sorte, vous rejoignez déjà l’immense caravane de ceux et celles qui marchent vers toutes sortes de périphéries en semant l’espérance. »

Ce partage m’a donné beaucoup de joie et de dynamisme pour ma vie missionnaire et spirituelle d’aujourd’hui et celle de demain. Je sens en moi le grand désir d’avancer dans les eaux profondes. Le mot qui surgit dans mon cœur, c’est Merci.Je me sens habitée par une reconnaissance et une action de grâce pour ces merveilles que Dieu a faites pour notre sœur Hélène. Je voudrais être « Porteuse d’espérance » et me laisser guider par l’Esprit du Christ. Ma Chère Sœur Hélène, que Dieu te bénisse et augmente les années de ta vie !


                            Interviewée par Sr Angèle Aganze Riziki
                                                               Ghardaïa, Algérie