Monday, May 28, 2018

SŒUR MARIA WEIS (KÖLN EHRENFELD, ALLEMAGNE)

SŒUR MARIA WEIS, KÖLN EHRENFELD, ALLEMAGNE


Béatrice : En tant que SMNDA, comment as-tu été une femme apôtre dans les différents lieux où tu as été envoyée ?

Maria : Moi-même, j’ai été saisie par l’Amour de Dieu et appelée par lui à la vie religieuse missionnaire en Afrique pour être témoin de son Amour et pour continuer avec Jésus sa Mission sous la protection de Notre-Dame d’Afrique. J’ai toujours essayé de rayonner son Amour, sa bonté, sa miséricorde par toute ma vie, par mon être et mes actions et de répondre à sa volonté par l’intermédiaire de la Congrégation.

Le jour de mes premiers vœux en 1965, j’ai reçu la nomination de « rester en Allemagne, de prendre la responsabilité de l’économat et de la cuisine, à Trier, pour les 80 – 100 personnes qui étaient là. » Pendant ce temps, souvent je voyais partir des sœurs en Afrique. Je me demandais quand ce jour arriverait pour moi. 

C’est en 1971 que j’ai pu partir au Burkina Faso. Quelle joie ! En y arrivant, j’ai essayé d’être ouverte au peuple et à l’Église qui m’ont accueillie. J’ai voulu connaître leur vie, leur culture, leurs coutumes, leurs orientations, leur langue (J’ai appris le dioula, une parmi les 60 langues parlées dans le pays).

Au cours des années, j’ai eu plusieurs engagements - apostolats – responsabilités.

  • Au Burkina Faso et au Mali,j’ai été responsable d’un Centre féminin.
  • Au Burkina Faso, à Bobo-Dioulasso / Ouezzinville, tout était à commencer. J’ai d’abord contacté les membres de la communauté chrétienne en vue de former un comité de direction, de responsables, pour pouvoir ensuite ouvrir et diriger un Centre féminin pour les jeunes filles qui ne pouvaient pas continuer leurs études pour plusieurs raisons. 
  • Notre communauté était responsable de la pastorale des six nouveaux quartiers dépondant de notre paroisse. L’évêque du lieu m’a nommée pour coordonner l’ensemble. 
  • Au Mali,j’ai travaillé également pour la promotion de la femme dans les différents villages appartenant à la paroisse, en collaboration avec Sr Gratienne Ndizeye.
  • Pendant deux ans, j’ai fait partie de la communauté du noviciat à Bobo-Dioulasso.
  • Plus tard, on m’a confié le Centre Delwende de Ouagadougou.


Partout où j’ai été, j’ai travaillé et réfléchi avec les autochtones. « L’œuvre durable doit être accomplie par les Africains eux-mêmes, devenus chrétiens et apôtres » (cardinal Lavigerie). Cela est dit également dans les Constitutions (n° 17) et les Orientations de la Congrégation, ayant en vue la dignité et la promotion de la femme. 

J’ai été toujours en contact avec l’Église locale (l’évêque - le curé) respectant les orientations du diocèse, avec le ministère Social, le ministère de la Promotion de la femme, la commission Justice et Paix. J’ai visité beaucoup de familles : chrétiennes, non chrétiennes, musulmanes, animistes, malades, lépreux, riches et pauvres ; et j’ai participé aux événements de leur vie.

Je me sentais attirée vers les personnes sans voix, surtout envers les femmes pour les aider à trouver ou à retrouver leur dignité et la liberté. Les femmes chrétiennes et les catéchumènes, je les ai encouragées et aidées à se former et à s’engager dans la communauté chrétienne de base, la chorale, la liturgie ; par exemple, pour être lectrices, catéchistes pour enfants et adultes, pour participer à des groupes de prière. Je les ai accompagnées dans leur vie familiale. Aujourd’hui encore, elles m’en remercient. 

La prière personnelle et communautaire m’a beaucoup soutenue dans ma vie missionnaire. Elle a été très importante pour me permettre de répondre à la Mission, qui m’a été confiée par Dieu et pour rester ouverte et fidèle à son appel. « La prière est au cœur de notre vie » (Const. 45).

La vie communautaire aussi est très importante et est un grand soutien. Nous sommes rassemblées autour de Jésus, qui nous envoie ensemble accomplir sa Mission et être signe de sa Bonne Nouvelle. Tout ce que je fais « dehors », je le fais toujours au nom de la communauté. Les gens de l’extérieur le voient ainsi ; c’est mon expérience, et les échos et les témoignages entendus le confirment.

En 2013, après 42 ans d’Afrique, je suis revenue en Allemagne, bien enrichie. Mon cœur et mes pensées sont encore souvent en Afrique, mais je peux chanter chaque jour le Magnificat pour remercier le Seigneur de toutes les merveilles reçues, vues, vécues en Afrique.

« Saint est son Nom. »

Pendant les années de mon absence, le pays natal a bien changé. Il me fallait bien un temps de réadaptation, une grande ouverture pour accueillir et comprendre la nouvelle situation. 

Actuellement, je me trouve dans un home de 95 personnes dont 4 SMNDA. C’est le grand âge avec ses diminutions, ses pauvretés, ses handicaps physiques et psychiques, son insécurité, ses questions. C’est le contexte de ma vie apostolique, notre périphérie.  Nous partageons la vie avec tous ces habitants, jour après jour, avec attention et amour, en étant sensibles au respect de la dignité de chacun et chacune en toute confiance. Je visite les personnes de la maison qui se trouvent très seules ou qui n’ont que très peu de visites de leur famille. Nous sommes missionnaires toujours et partout.

Je participe aux différentes rencontres organisées dans la maison. Par exemple : Junior rencontre Senior. C’est un groupe d’écoliers qui vient chaque mercredi. Je fais partie aussi du groupe Mambo danses des générations, - entre personnes âgées et jeunes, avec danses et chorégraphies. Ces danses sont aussi présentées à l’extérieur. Les habitants de la maison et le personnel viennent de tous les continents. Avec une femme africaine, je peux communiquer en français et en bambara. Le responsable de la maison m’a confié la chapelle et la sacristie dès mon arrivée ici. 

Je me trouve dans l’étape de vie où les forces diminuent et des imprévus arrivent. L’apostolat de la prière, la rencontre avec le Seigneur ont ici une grande place. La prière pour le monde entier, pour l’Église, pour la paix, pour les missionnaires, pour les jeunes…

Le jour de mon Jubilé d’argent, la communauté chrétienne m’a offert un tableau portant l’inscription : « Que Dieu te garde toujours souriante ! » Oui, je demande la grâce de ne pas devenir triste, aigrie, mais de me garder joyeuse, pacifiée et priante, malgré la diminution des forces, malgré les diverses épreuves. C’est le temps de se préparer plus profondément à la grande rencontre, au face à face avec Jésus, « le Bien-aimé ».

Béatrice : De quelle action prophétique te souviens-tu plus particulièrement ? Peux-tu l’expliquer ?

Maria : En 2006, presqu’à la fin de ma vie missionnaire en Afrique, la Congrégation m’a confié le Centre Delwendeavec, en ce temps-là, 400 femmes appelées « Sorcières – mangeuses d’âmes ».

En réalité, ce sont des femmes seules, sans défense, malades, infirmes… à la charge de leur famille. Certaines n’ont pas d’enfants, d’autres sont chassées de leur village, de leur famille. Elles arrivent en ville en espérant pouvoir vivre de la mendicité. En apprenant l’existence du Centre, elles viennent demander l’hospitalité. Elles arrivent épuisées, sans sourire. 

Toutes ces femmes sont du pays mossi et parlent le mooré, une langue que je ne connaissais pas. J’y ai rencontré quand même une femme, une seule, qui parlait un peu le dioula, la langue que je comprends. A plusieurs reprises, j’ai essayé d’apprendre encore le mooré, mais à l’âge de mes 70 ans, ce ne m’était plus possible. J’ai communiqué par un intermédiaire, et surtout par mon être, par un sourire, mes réactions bienveillantes, pour leur montrer et exprimer que je les aime, que je veux leur bien et que je partage leurs souffrances. 

Vraiment, elles souffrent beaucoup d’être loin de leurs enfants, de leurs familles. Mais quelle joie de voir revenir peu à peu un sourire comme réponse à tant d’efforts ! Petit à petit, elles commencent à parler, elles s’engagent avec les autres femmes, s’engagent dans les activités du Centre pour le bien de toutes. Leur grand désir est de retourner en famille. Leur souhait est que leurs filles, leurs petites-filles ne subissent jamais le même sort qu’elles. 

Déjà bien avant moi, nos sœurs SMNDA ont travaillé à la sensibilisation de la population et des autorités publiques afin que cette coutume disparaisse. Nous voulons éviter tant de souffrances à des personnes dont le seul tort est de ne pas savoir ou de ne pas pouvoir se défendre. Nous voulons que ces femmes, elles aussi puissent vivre en toute paix dans leur famille respective. 

J’ai continué dans cette ligne, j’ai saisi toutes les occasions et les moyens pour sensibiliser beaucoup de personnes, de groupes, associations, commissions, ministères, etc. Toujours je me sentais bien comprise et soutenue par le Cardinal et l’évêque auxiliaire, par leurs visites, leur intérêt, leurs conseils, les célébrations de la messe au Centre avec les femmes.

Avec l’aide de la commission « Justice et Paix » et la Conférence Épiscopale, nous avons pu sensibiliser la population à travers la télévision, la radio, les journaux, des ateliers, des conférences etc. 

Le 6 mars 2010 à Ouagadougou, « Journée internationale de la femme », une marche contre l’exclusion sociale et les violences faites aux femmes a été organisée. Les femmes du Centre Delwende y ont participé ainsi que des organisations de la Société civile et des droits de l’homme, des établissements scolaires et des personnes de bonne volonté. Comme parrain était présent Sa Majesté le Mogho Naaba, Empereur des Mossis, et comme marraine l’épouse du chef de l’État. Cette cérémonie s’est terminée à la Place de la Nation avec un message du Mogho Naaba, qui demanda de mettre fin à toutes les formes de violence et d’exclusion sociale, particulièrement aux femmes, et de les intégrer dans leurs familles. 

Petit à petit, les familles viennent reprendre leur maman pour la ramener dans la famille. De l’autre côté, il y a toujours des femmes, qui arrivent encore. Malgré tout, le nombre a diminué : de 400 à 250 femmes. La sensibilisation continue toujours et doit continuer encore.

Les habitants du quartier et de la paroisse où se trouve le Centre Delwende (« Confie-toi au Seigneur ») sont bienveillants envers ces femmes. Le jour de l’inondation du Centre en 2009, (le Centre se trouve tout près du barrage), ils sont venus sauver toutes les femmes et les ont amenées à l’école et dans les salles de la paroisse et du quartier. Les femmes y sont restées pendant 5 semaines. Et après cela, beaucoup de personnes et de groupes nous ont aidés pour le nettoyage des lieux, d’autres ont fait des dons – céréales, médicaments, vêtements – car toutes les réserves étaient abîmées. De plus en plus de Burkinabés viennent visiter les mamans, leur offrir des dons, leur montrer leur intérêt, leur témoigner de la sympathie et leur consacrer du temps. Et nous continuons d’être porteuses d’espérance. 

 Notre présence auprès des femmes en détresse au Centre Delwende va bien dans la ligne de notre charisme et des orientations du pape François nous encourageant d’aller vers les périphéries. 

« En toutes situations, s’exprime notre solidarité avec les femmes africaines… »  (Const. 19)

Béatrice : Qu’est-ce que te vient à l’esprit (parole, image, joies, défis) quand tu penses à ton expérience de vie en communauté interculturelle ? 

Maria : C’est une grande richesse ! Comme une mosaïque : chaque pièce est précieuse, nécessaire et enrichissante. La vie en communauté se fait chaque jour. « L’esprit de famille, qui doit régir une communauté se résume en ces deux mots : s’aimer et s’entraider » (Mère Marie-Salomé).
« C’est l’amour du Christ et l’amour de l’Afrique qui nous lient dans une même vocation » (Const. 56).

Béatrice : Que voudrais-tu nous dire à nous, jeunes Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, encore à l'étape des vœux temporaires ?

Maria : Soyez des femmes apôtres, consacrées et enracinées en Christ, saisies par le désir de Dieu pour le monde africain… » (Notre raison d’être).

Je vous souhaite beaucoup de courage, de joie, de confiance en Dieu et en Notre-Dame d’Afrique.

Laissez-vous guider par l’Esprit Saint. Priez pour nous, vos sœurs aînées. Mes prières vous accompagnent.


            Interviewée par Sr Béatrice Badini Wèndpouiré
Nairobi, Kenya 

1 comment:

  1. Merci Beaucoup Sr. Maria pour ce riche partage sur ta vie missionnaire. Je l'ai aimé beaucoup. Merci pour ta vie donnée ici en Afrique. C'est intéressant de t'écouter en se laissant illuminée, édifiée par ton approach envers ses femmes exclues de leur société, envers l'Eglise etc. Je viens d'apprendre que l'amour fort à JESUS et à sa mission nous fortifie et nous pousse à être plus. Soyons amoureuses du Christ. Merci à nos soeurs qui nous permettent d'avoir ces riches partages. Quel trésor! Je vous encourage à les lire

    ReplyDelete