Saturday, June 9, 2018

SR HUGUETTE REGENNASS (SCEAUX FILMINS, FRANCE)

SR HUGUETTE REGENNASS
SCEAUX FILMINS, France


Sr Victorine Bulangalire Mweze : En tant que SMNDA, comment as-tu été une « femme apôtre » dans les différents lieux où tu as été envoyée ?   
                                             
Sr Huguette : Il y a aujourd’hui 45 ans que je suis SMNDA, et durant tout ce temps de ma vie religieuse missionnaire, j’ai été envoyée dans plusieurs pays, mais principalement au Mali, dans trois milieux bien particuliers. 

Tout d’abord en 1973, à Ségou, où j’avais pour mission de m’occuper d’un jardin d’enfants, déjà existant, mais très pauvre quant à son installation. Deux jeunes monitrices maliennes avaient chacune une classe en charge, et moi j’étais là, d’une part pour veiller à la bonne marche de cette petite école, mais aussi pour aider et former les deux enseignantes qui n’avaient pas de diplômes.

En fait, ces deux années ont été pour moi un temps de découverte et de mise en pratique de tout ce que j’avais appris durant ma formation, sur ce que veut dire « être femme apôtre ». Dès le début, mes relations avec les monitrices furent simples et confiantes. Un grand respect de part et d’autre a fait que rapidement nous avons pu aborder des questions non seulement pédagogiques, mais aussi religieuses. 

C’est aussi avec les parents, que j’avais souvent l’occasion de rencontrer, que mon rôle de « femme apôtre » pouvait s’exprimer plus concrètement. Ils entendaient et voyaient notre attitude vis-à-vis de leurs enfants, et pour eux, notre témoignage était parlant.

Après ce temps de mission à Ségou, un temps me fut donné pour l’apprentissage du bambara à Falajè. En 1977, je rejoignais Kolokani, petit village de brousse, dit de « première évangélisation ». Après l’arrivée des sœurs dans cette région, un jardin d’enfants avait été construit, et deux monitrices déjà expérimentées y travaillaient. Mon rôle de directrice se résumait aux mêmes activités que j’avais à Ségou. La différence se situait surtout au niveau des parents, qui étaient peu motivés pour envoyer leurs enfants, si petits, à l’école ! Reste que nos relations ont toujours été très cordiales et ouvertes.

Durant 3 années, j’ai donc travaillé dans ce milieu bien spécifique des enfants. Puis des circonstances extérieures, ont fait que ma mission allait désormais s’orienter vers la pastorale en brousse. Je crois pouvoir dire que j’ai trouvé là, la plénitude de ma vocation, en annonçant la Bonne Nouvelle de l’Évangile, en réponse aux appels d’un nombre grandissant d’Africains qui ne connaissent pas Dieu. 

Tout se faisait bien sûr, en collaboration avec une communauté de prêtres de la paroisse, des Missionnaires d’Afrique. Je partais plusieurs jours dans ces villages, accompagnée d’un père ou d’une sœur, pour partager l’existence de ces gens, vivant de façon extrêmement pauvre (sans eau, sans électricité, avec très peu d’hygiène), pour leur apporter le message chrétien, sans oublier notre rôle très important, auprès des femmes (santé, nutrition, couture…) C’est peut-être là, à travers cette mission de première évangélisation que j’ai vécu en profondeur ma vocation de « femme apôtre ». Le peu que je pouvais apporter, avec mes limites, mes fragilités… allait – par la grâce de Dieu - porter du fruit…

La 3e communauté du Mali où j’ai vécu plusieurs années fut celle de Bamako, mais je vais en parler dans la question suivante.
             
Victorine : De quelle action prophétique te souviens-tu plus particulièrement ? Peux-tu l’expliquer ?

Huguette :Un événement prophétique qui m’a beaucoup marquée se situe au moment où je vivais dans une communauté de Bamako. En plus de l’accompagnement de deux jeunes SMNDA qui faisaient leur stage apostolique, j’avais voulu entreprendre une activité, correspondant à la fois à un désir et à un besoin de la population. C’est alors que j’entrepris de commencer un « mini » jardin d’enfants, pour les enfants des lépreux déjà guéris, qui étaient regroupés dans un petit village à la périphérie de Bamako.

Les débuts ont été un peu difficiles, certes, car je n’avais rien d’autre que ma bonne volonté, l’accord de mes responsables et le soutien de ma communauté. Pourtant, après quelques démarches et rencontres, avec des personnes connues, j’obtins une grande salle, qu’on me prêtait pour faire cette activité. Puis, par le biais de ma communauté, une jeune femme se présenta pour venir m’aider bénévolement. Il ne manquait plus qu’un « brin » de matériel pédagogique, que j’obtins rapidement grâce à la l’ingéniosité et à la solidarité de mes sœurs et d’autres amis. Des bancs ? Nous n’en n’avions pas ! Qu’à cela ne tienne ! Le sol était cimenté, donc aucun problème pour s’asseoir par terre !

Le 1erjour, 6 enfants étaient là pour inaugurer la « nouvelle école » ! Quelques jours plus tard, ils étaient 10, et très vite je dus limiter les entrées, pour garder dans la classe une atmosphère de calme et de sérénité ! Ce serait trop long de raconter comment d’année en année, cette petite graine est devenue un « vrai » jardin d’enfants, avec 2 monitrices et un directeur malien avec lequel je corresponds toujours !

Activité prophétique ? Oui, certainement !

Victorine : Qu’est-ce qui te vient à l’esprit, quand tu penses à ton expérience de vie communautaire internationale et interculturelle ? 

Huguette : Ce qui me vient spontanément à l’esprit, c’est cette parole de Mère Marie-Salomé : « Aimez-vous comme des sœurs. » Je pense aussi à cette grande richesse que nous apporte une vie communautaire internationale et interculturelle. Les échanges entre les différentes cultures ne peuvent que nous aider à grandir et à nous ouvrir toujours davantage à l’autre.
                    
Victorine : Que voudrais-tu nous dire à nous, jeunes Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, encore à l’étape des vœux temporaires ? 

Huguette : Ce que j’aimerais vous dire, à vous jeunes SMNDA, encore à l’étape des vœux temporaires, c’est d’abord et avant tout : aimez ! Mais comment faire pour aimer ?

Pour moi, il y a certaines attitudes qui sont incontournables : 

Tout d’abord « l’humilité ». Jésus ne nous a-t-il pas dit : « Si vous ne devenez comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. »

L’enfant est aussi celui qui se sait aimé de son Père et qui, instinctivement, attend tout de lui. Autrement dit, il lui fait confiance, il s’abandonne… Quels que soient les difficultés, les soucis, toujours faire confiance. 

Une autre chose qui est aussi prioritaire, c’est la prière. La prière pour nourrir notre vie spirituelle, pour dire au Seigneur combien nous l’aimons, pour l’appeler au secours, lui demander pardon… 

Enfin, ce qui est pour moi aussi une attitude indispensable pour vivre notre vie religieuse missionnaire, c’est de toujours chercher la volonté de Dieu et de l’accomplir, même si elle ne correspond pas à « notre » volonté.


Interviewée par Sr Victorine Bulangalire Mweze
Nouakchott, Mauritanie 

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